Le moment est venu, semble-t-il, de se poser un peu et de mettre à profit la vacuité des jours qui pour la plupart d'entre nous ne sont plus scandés par les heures de travail, parfait dérivatif, quoi que certains en disent, à l'ennui qui guette les êtres humains dès qu'ils n'ont plus de contraintes pour les entraîner dans un tourbillon propre à les détourner de la pensée déplaisante de leur condition mortelle!
Vous me voyez arriver de loin bien sûr et sortir de mon sac les "Pensées"de Blaise Pascal et son fameux "divertissement"!
205.[ 139 ]. Divertissement." Quand je m'y suis mis quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes, et les périls et les peines où ils s'exposent, dans la cour, dans la guerre, d'où naissent tant de querelles, de passions, d'entreprises hardies et souvent mauvaises, etc.'j'ai découvert que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre(...)
Mais quand j'ai pensé de plus près, et qu'après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j'ai voulu en connaître la raison, j'ai trouvé qu'il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près.(...)
Delà vient que les hommes aiment tant le bruit et le remuement. de là vient que la prison est un supplice si horrible; de là vient que le plaisir de la solitude est une chose incompréhensible."
Oeuvres complètes , Pascal, Bibliothèque de La Pléïade, éditions Gallimard, (pages 1138, 1139, 1140).
Blaise Pascal 1623-1662 était à la fois mathématicien, philosophe, théologien,physicien, écrivain, moraliste, statisticien... personnage hors normes.
On peut estimer la lecture des Pensées ardue mais certains articles sont vraiment passionnants.
Pour changer un peu (mais pas vraiment en fait !) on peut passer directement de Blaise Pascal à Jean-Philippe TOUSSAINT et à son premier livre publié qui fit un tabac en 1985 dès sa parution aux éditions de Minuit, "LA SALLE DE BAIN".
C'est un livre remarquablement construit en trois parties: Paris, L'Hypothénuse, Paris.
En exergue le théorème de Pythagore: "Le carré de l'hypothénuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés."
Le livre commence ainsi , le lieu étant Paris:
"1) Lorsque j'ai commencé à passer mes après-midi dans la salle de bain, je ne comptais pas m'y installer; non, je coulais là des heures agréables, méditant dans la baignoire, parfois habillé., tantôt nu. Edmonson qui se plaisait à mon chevet, me trouvait plus serein; il m'arrivait de plaisanter; nous riions..."
Dans la seconde partie, L'Hypothénuse on peut lire:
"70) But when I thought more deeply, and after I had found the cause of all our distress, I wanted to discover its reason, I found out there was a valid one, which consists in the natural distress of our weak and mortal condition, and so miserable, that nothing can console us, when we think it over" (Pascal Pensées)
Et la troisième partie s'achève ainsi:
"50) Le lendemain, je sortais de la salle de bain"